Étude épidémiologique de la fièvre récurrente endémique des hauts plateaux mexicains
ANNALES DE PARASITOLOGIE Planche XX
T. XVII, N°
Par E. BRUMPT
Luis MAZZOTTI et L. C. BRUMPT
Malgré la grande fréquence du typhus à poux sur les hauts plateaux de l'Amérique intertropicale, il ne semble pas que la fièvre récurrente lui soit habituellement associée, comme c'est le cas dans les régions tempérées. Les seules observations connues de récurrente à poux en Amérique latine sont, à notre avis, celle publiée à São Paulo, en 1914, par E. Brumpt, C. Bourroul et A. Guimaraes et les observations de Chiriboga, puis de Del Prado au Pérou. Dans le premier cas, il s'agissait d'émigrants syriens, couverts de poux, vivant dans des habitations rurales dans des conditions d'hygiène déplorables, et dont l'infection fut enrayée grâce à un certain nombre de mesures énergiques. Aucune épidémie ne se produisit autour d'eux et, depuis cette époque, pas un cas nouveau autochtone de récurrente à poux ne semble avoir été observé par les auteurs brésiliens. En ce qui concerne le Pérou, la fièvre récurrente à poux y est certainement endémique. A la suite de renseignements que nous avions demandés à notre regretté collègue, le Professeur Ramon E. Ribeyro, nous apprenions, par sa réponse, en date du 25 décembre 1918, qu'il avait pu déceler des spirochètes, dès mai 1917, dans des frottis qui lui avaient été adressés par le Dr Del Barco qui soupçonnait l'existence de la maladie à Ayacucho (alt. 2.800 m.). D'après R. E. Ribeyro, la maladie serait très répandue dans cer(1) Cette étude épidémiologique a été facilitée par le Dr Andreu Almazan, en 1932, alors qu'il était Gouverneur de l'Etat de Puebla, et en 1938, pendant qu'il dirigeait le Ministère de la Santé Publique. Qu'il veuille bien trouver ici l'expression de notre vive reconnaissance. (2) Nous adressons nos bien sincères remerciements, pour leur précieuse collaboration technique au cours de cette étude, à Mlle Frey qui a suivi nos expériences sur les souches mexicaines de Spirochaeta turicatae, à Mme Adam, chargée de la conservation sur ornithodores des neuf virus récurrents, à généalogie connue, de l'Institut de Parasitologie de Paris, et à Mlle A. Buttner qui s'occupe des nombreux élevages neufs des dix-sept espèces d'ornithodores conservées à notre laboratoire.
DES HAUTS PLATEAUX
MEXICAINS (1)
taines régions du Pérou, en particulier dans les départements
de Huancavelica, Ayacucho et Apurimac.
La première publication qui ait été faite au Pérou (1) sur l’exis
tence de la fièvre récurrente est celle de
Chiriboga en avril 1919
.
Cet auteur signale une épidémie survenue dans la région élevée
d’Huancavelica, chez une population très pauvre, couverte de poux.
Del
Prado (1920)
, dans une publication ultérieure, confirme le rôle
étiologique des poux et signale, d’autre part, l’action très nette du
néo-salvarsan dont on connaît l’efficacité habituelle dans la récur
rente à poux et l’action faible ou nulle dans les fièvres récurrentes
à tiques.
Il est probable que les quelques cas isolés signalés à la Havane
(Biada, 1902)
et en Argentine (Garcia et Lorenz, 1910 et 1911 ;
Bernasconi, 1926) ont été importés par des émigrants venus, soit
de l’ancien monde, soit des zones endémiques du Pérou.
Il est d’ailleurs établi que la fièvre récurrente à poux a été sou
vent introduite en Amérique du Nord par des émigrants irlandais,
polonais ou russes, ainsi que par des travailleurs originaires de
l’Europe méridionale. Or, par suite de circonstances épidémiolo
giques particulières, cette maladie ne s’est pas acclimatée. Le cas
le plus récemment étudié est celui d’un matelot américain ayant
voyagé dans diverses régions du globe et présentant, environ 15 jours
après avoir quitté le port de Galveston (Texas), une récurrente
dont le germe fut isolé par
Norris (1905)
, puis étudié par
Novy
et Knapp (1906
), enfin désigné par Schellack, en 1907, sous le nom
de Spirochaeta novyi. Ce spirochète, ainsi qu’il résulte de recher
ches récentes
(E. Brumpt, 1934 ; J. Lipstein, 1935)
est une souche
de Spirochaeta recurrentis, facile à inoculer aux petits rongeurs,
comme diverses souches étudiées aux Indes et en Indochine.
En dehors des cas cités ci-dessus, toutes les autres fièvres récur
rentes américaines ont une étiologie différente et sont déterminées
par la piqûre de divers ornithodores.
C’est en Colombie que les premières observations concernant les
fièvres récurrentes à tiques furent faites par R. Franco (2) (1907,
1915). Plus tard, l’infection fut reconnue à Panama
(Darling, 1909)
,
puis au Venezuéla
(Pino-Pou, 1921 ; Tejera, 1919 ; E. Brumpt, 1921)
.
(1) Il est bon de noter ici qu’en 1907, R. Blanchard mentionnait un travail
de
Baldou, paru en 1865
, où cet auteur assimilait une maladie épidémique,
connue sous le nom de Peste des Cordillières, à la fièvre récurrente. Après
avoir lu le mémoire de Baldou, nous estimons qu’il s’agit d’une tout autre
maladie.
(2) En 1881, Hirsch écrivait que la fièvre récurrente était inconnue en Amé
rique centrale et méridionale.
Aux E (...truncated)