Faut-il systématiquement intuber et ventiler les patients souffrant de sepsis ou de choc septique ?
Faut-il systématiquement intuber et ventiler les patients souffrant de sepsis ou de choc septique ?
F. Vincent 0
0 F. Vincent (
1 Réanimation polyvalente, groupe hospitalier intercommunal Le-Raincy Montfermeil , 10, avenue du Général Leclerc, F-93370 Montfermeil, France e-mail :
Abréviations non explicitées dans le texte : IGS II : indice de gravité simplifié ou SAPS II [1] IQR : interquartile range (écart interquartile en français) PaCO2 : pression artérielle partielle de dioxyde de carbone PaO2 : pression artérielle partielle d'oxygène PaO2/FiO2 : rapport pression artérielle en oxygène sur fraction inspirée d'oxygène SOFA : Sequential Organ Failure Assessment [2]
Introduction
Bien qu’il s’agisse de la première cause de recours à la
réanimation, avec une incidence qui croît chaque année et une
mortalité qui ne diminue pas de façon significative, la
question de l’intubation et de la ventilation mécanique invasive
(VMI) au cours du choc septique n’est que très peu étudiée et
non évoquée dans les dernières recommandations
internationales des experts de la Surviving Sepsis Campaign [
3,4
].
Celles-ci ne précisent que l’objectif de SpO2 à atteindre chez
les patients intubés et traités par VMI, sans préciser quelles
sont les indications à l’instauration de ce traitement. Le sujet
n’est pas non plus abordé dans une revue récente sur le
traitement du choc septique publiée dans le New England
Journal of Medicine [5]. La VMI au cours du choc septique
pourrait maintenir l’oxygénation, réduire les efforts liés à la
respiration et protéger les fibres musculaires
diaphragmatiques de l’inflammation (cette donnée étant discutée, voire
infra.) (Fig. 1) [
6
]. Cependant, elle peut entraîner des effets
indésirables graves tels que l’aggravation hémodynamique
(interaction coeur-poumons ventilés, analgésie-sédation),
les lésions pulmonaires de type baro- et/ou
volotraumatisme(s), la survenue de pneumonie liée aux soins
ou un dysfonctionnement diaphragmatique, débutant au bout
d’un à trois jours, et augmentant au fil du temps,
principalement chez les patients septiques (Fig. 1) [
7
]. Peu de données
sont actuellement disponibles sur le sujet et cette question
n’apparaît pas dans l’agenda de recherche sur la prise en
charge du choc septique très récemment publié par Perner et
al., suggérant la persistance d’incertitudes sur une
problématique pourtant quotidienne [
8
]. La réponse est en général
assez évidente lorsque le choc septique est à point de départ
pulmonaire, associé à des signes d’insuffisance respiratoire
aiguë, ou lorsque celui-ci est responsable d’altération sévère
des fonctions supérieures. Elle est cependant beaucoup
moins claire lorsqu’il est d’origine extrapulmonaire et en
cas d’administration de faibles posologies de vasopresseur
(s). Cet éditorial rapportera les pratiques actuelles, les
résultats disponibles dans les grandes études prospectives,
interventionnelles disponibles sur la prise en charge du sepsis ou
du choc septique en soulignant le potentiel impact sur le
devenir du patient septique et finalement insistera sur la
nécessité de réaliser des études prospectives randomisées
sur ce sujet. En effet, à l’heure actuelle, aucun essai clinique
n’a comparé une stratégie avec intubation et ventilation
mécanique systématiques à une stratégie sans intubation
systématique dans la prise en charge des chocs septiques, les
seules données disponibles provenant d’études
observationnelles ou d’études comparatives non centrées sur cette
question. Par ailleurs, aucune d’entre elles ne repose sur la
définition récente du sepsis [
9
]. Ceci laisse encore plus de
champs à d’autres travaux.
État des pratiques
En l’absence de défaillance(s) respiratoire(s) et/ou
neurologique(s) associé(es), qui peuvent être des indications
formelles de VMI au cours du choc septique, l’extrême
hétérogénéité des pratiques a été soulignée par l’enquête
déclarative internationale, récemment publiée, réalisée sous
l’égide de l’European Society of Intensive Care Medicine
auprès des membres de la Systemic Inflammation and
SEPSIS (SIS) section [
10
]. Il s’agit du seul article disponible
sur le sujet. Le questionnaire était accessible par Internet. Il
comprenait 23 questions réparties en quatre sections : 1)
caractéristiques des répondants ; 2) indications ou non de
VMI dans la prise en charge du choc septique ; 3) critères
utilisés pour l’initiation de la VMI chez les patients souffrant
de choc septique ; 4) utilisation de la ventilation non invasive
(VNI) chez ces patients et critères utilisés pour passer de la
VNI à la VMI (réponses : 186/1657 [11,2 %] ; Europe :
81 % ; anesthésistes : 55,4 % ; hôpital universitaire : 69 %).
Quatre-vingt-treize pourcents de répondants considéraient
que la question de l’initiation ou non de la VMI au cours
du choc septique était pertinente, soulignant ainsi l’intérêt
de cet éditorial. Pour 50,6 %, le simple fait d’être admis en
réanimation pour choc septique représentait une indication à
la VMI l (...truncated)