Le natural killer, fer de lance des futures immunothérapies anti-tumorales ?
Le natural killer, fer de lance des futures immunothérapies anti-tumorales ?
0 Alexandre Iannello , Olfa Débbeche, Suzanne Samarani, Sébastien Sabbagh, Michel Duval, Ali Ahmad
> Au cours de la dernière décennie, de considérables progrès ont été réalisés dans la compréhension des mécanismes d'action des cellules NK, et spécialement dans les processus de reconnaissance et de lyse des cellules cibles. Ces percées pourraient conduire à de nouvelles applications cliniques recrutant les cellules NK comme outils thérapeutiques lors de greffes de moelle osseuse chez les patients atteints de leucémies. Cependant, les propriétés potentielles des cellules NK applicables dans le traitement de tumeurs solides restent à ce jour faiblement exploitées. Nous examinons dans cet article l'immunobiologie des cellules NK sur laquelle se fonde leur possible utilisation en tant qu'agents thérapeutiques en consignant les limites et les problèmes auxquels les scientifiques seront exposés. < Les cellules natural killer (NK)
-
Les cellules NK sont de grands lymphocytes
granulaires de faible densité, représentant 10 % à 15 % des
cellules mononucléées du sang périphérique. Elles
se développent et se différencient dans la moelle
osseuse et possiblement dans le thymus ainsi que
dans les ganglions lymphatiques. Reconnues
phénotypiquement comme CD3-, CD14-, CD56+ et/ou CD16+,
leur effet cytotoxique est principalement médié par
le couple perforine-granzyme ainsi que par FasL et
TRAIL. Dans les années 1980, Kärre et al. ont observé
que les cellules tumorales n’exprimant pas le CMH de
classe I (CMH-I, appelé aussi complexe majeur
d’histocompatibilité ou HLA, human leukocyte antigen,
chez l’humain) étaient tuées de façon préférentielle
par les cellules NK. Leurs observations les ont mené
à émettre l’hypothèse du « soi-manquant », selon
laquelle les cellules NK surveilleraient la présence
du CMH-I (le soi) à la surface des cellules cibles et
tueraient celles qui ne l’expriment pas ou l’expriment
Centre de recherche de
l’Hôpital Sainte-Justine,
L’Axe du cancer et maladies
virales et immunitaires,
Département de microbiologie et d'immunologie,
Université de Montréal,
Montréal (Québec), Canada.
3175, Côte Sainte-Catherine
Montréal (Québec), H3T 1C5
Canada.
ali.ahmad@
recherche-ste-justine.qc.ca
de façon réduite [
1
]
(Figure 1). La
découverte des récepteurs
inhibiteurs des
cellules NK se liant
spécifiquement aux différents antigènes du CMH-I a fourni
la base moléculaire de leur hypothèse.
Nous savons aujourd’hui que les cellules NK expriment
une multitude de récepteurs activateurs et inhibiteurs
qui se lient à différents ligands [
2, 3
] (Figure 2). Les
récepteurs activateurs transmettent des signaux via
leurs partenaires de signalisation (DAP-10, -12, les
chaînes ζ et/ou γ du complexe CD3 des cellules T). Les
kinases de la famille des Src phosphorylent les résidus
tyrosines présents dans les ITAM (immunoreceptor
tyrosine-based activating motif) des partenaires après
liaison d’un récepteur à son ligand. Les ITAM
phosphorylés recrutent les kinases ZAP-70 et les Syk. Cependant,
les motifs tyrosines phosphorylés de DAP-10 recrutent
et activent les protéines PI-3K et Grb2. La
phosphorylation de Vav est une étape importante dans la lyse
médiée par les cellules NK. Les Vav activent les petites
GTPases de la famille Rho qui causent la réorganisation du cytosquelette des cellules NK vers la cellule cible et
déclenchent la relâche des granules cytolytiques. L’engagement des
récepteurs inhibiteurs (KIR) avec leurs ligands appropriés (CMH-I) sur
la cellule cible résulte en une phosphorylation des ITIM
(immunoreceptor tyrosine-based inhibitory motif) présents dans leurs longues
queues cytoplasmiques. Les tyrosines phosphorylées dans les ITIM
recrutent des phosphatases contenant des domaines SH-2 comme
SHP-1 et SHP-2 qui déphosphorylent Vav et d’autres substrats
impliqués dans l’activation des cellules NK. Ainsi, les signaux inhibiteurs
médiés par les KIR inhibiteurs inhibent de façon transitoire
l’activation des cellules NK et empêchent la lyse des cellules cibles. L’activité
cytotoxique d’une cellule NK déclenchée contre les cellules cibles
dépend donc d’un équilibre entre les signaux activateurs et inhibiteurs
reçus. Les signaux inhibiteurs et particulièrement ceux émanant d’une
liaison entre un récepteur KIR inhibiteur et son ligand CMH-I dominent
ceux reçus par les récepteurs activateurs. Les cellules de l’hôte sont
donc épargnées par leurs propres cellules NK tant qu’elles expriment
le CMH-I. Lors d’infections ou de cancers, les cellules échappent à la
lyse par les lymphocytes T cytotoxiques en réduisant leur expression du
CMH-I, ce qui pourrait les rendre sensibles à la lyse par les cellules NK
(Figure 1). L’activité des cellules NK est donc largement sous la coupe
des récepteurs KIR inhibiteurs qui sont caractérisés par leurs longues
queues cytoplasmiques.
Le locus des KIR est multigénique et très polymorphique [
3, 4
]. Les 1 (...truncated)